L'autre jour, alors que je lisais peinard dans mon bain (l'excellente biographie de Victor Hugo par Alain Decaux - et non JC, private joke inside - pour ceux que ça intéresse), Cro-Mi se plante à côté de la baignoire, avec toute l'intensité de qui, à 5 ans et d'mi, a une question dont la réponse ne peut souffrir d'attente.
- Maman ?
- Oui ma chérie.
- Maman, pourquoi on fait tout ce qu'on fait, dans la vie ?
Arg. De la métaphysique. Je lui demande donc :
- Tout ce qu'on fait quoi, ma chérie ? (des fois que ça permette de faire un peu entonnoir et qu'on thématise la conversation).
- Ben tout. Aller travailler, aller à l'école.
Alors je lui dis, que travailler ça sert à gagner des sous, que si on a de la chance, on peut aussi s'y épanouir, trouver sa place dans le grand monde du travail, rencontrer des gens intéressants.
Et aller à l'école, ça sert à apprendre à apprendre, à découvrir le monde, la vie sociale, etc.
- Pourquoi tu me demandes ça mon amour ?
Et là, elle me répond qu'elle s'ennuie. Qu'à l'école, elle passe son temps à jouer seule, vu qu'elle a fini avant les autres. Et qu'elle préfère quand c'est dur. Parce que quand c'est dur, c'est pour faire réfléchir les élèves et là on apprend. Alors que ce qu'elle fait, elle le sait déjà.
Léger vertige de la mère, qui a prudemment posé Victor loin de l'eau... et qui lui promet qu'en CP, ça va être plus dur, et qu'en plus il y aura des devoirs (à prononcer d'un air terrible). Que cette année, la maîtresse ne sait pas trop quoi faire avec elle parce que c'est rare d'avoir des élèves qui vont aussi vite, mais qu'il faut qu'elle soit patiente.
(D'autant, ndlm[1], qu'elle est dans la classe de sa meilleure amie et de son amoureux, un changement de classe pour celle d'un(e) instit qui gérerait mieux serait vécu comme une punition).
Mais que oui, l'an prochain, elle va travailler, beaucoup plus, et que ça ne sera plus pour rire.
Là, un regard heureux comme si elle avait découvert l'atelier du père Noël.
Un sourire radieux.
On me tourne le dos, son petit cul balance et je l'entends s'éloigner au son des flap flap flap sautillants de ses pieds nus sur le parquet.
Pincement au coeur.
Mais quand même... fierté.
Je digère la conversation et reprends Victor.